Alfred Jarry

Ubu roi

Traduction: Zoltán Jékely

Grande salle

Père Ubu
Zsolt Bogdán
 
Père Ubu
Áron Dimény
 
Père Ubu
Loránd Farkas
 
Père Ubu
Sándor Keresztes
 
Père Ubu
Ervin Szűcs
 
Père Ubu
Loránd Váta
 
Mère Ubu
Csilla Albert
 
Mère Ubu
Enikő Györgyjakab
 
Mère Ubu
Emőke Kató
 
Mère Ubu
Júlia Laczó
 
Mère Ubu
Tünde Skovrán
 
Mère Ubu
Csilla Varga

metteur en scène
Alain Timar
 
scénographe-costumier
Alain Timar
 
régie plateau
Imola Kerezsy
 
régie plateau
Zsolt Györffy

Date de la création: 02 décembre 2011
Date de la première: 2 décembre 2011

Fragments du dossier de presse

D’une blague de lycéens farceurs, Ubu roi est devenu, sous la férule et la plume d’Alfred Jarry, une œuvre monstrueuse et mythique à bien des égards:
- par sa réputation d’abord : qui ne connaît pas le couple Ubu? Leur inénarrable et célèbrissime  aventure est passée à la postérité…et même dans le langage courant avec le mot  ubuesque qui désigne un caractère comiquement cruel et couard,
- par le nombre de personnages ensuite : une bonne vingtaine ainsi que les peuples des villes et des champs, des nobles, des courtisans,  pas moins de deux  armées, un ours et des fantômes!
- par l’extraordinaire foisonnement d’idées enfin et une liberté de ton tant au niveau du fond que de la forme. Dans ce dépassement des limites, ce franchissement allègre du raisonnable, on reconnaît à coup sûr une veine surréaliste.
Quel plaisir de s’emparer d’une pièce où souffle un vent de révolte et d’insubordination extrême!
Ubu roi dénonce bien sûr les systèmes politiques qui engendrent  folie et absurdité de la course au pouvoir, raille les dictateurs accomplis ou en herbe prêts à d’invraisemblables compromissions pour arriver à leur fin, mais plus encore porte un regard caustique mais lucide sur les comportements humains, le tout dans un grand éclat de rire impertinent et salvateur. Le merdre et le cornegidouille du Père Ubu résonnent aux quatre coins du monde pour mieux lancer un défi universel à la bêtise arrogante et triomphante, l’avidité sans scrupules, la bassesse, la veulerie, les lâchetés de vos pauvres frères en la mort comme l’écrit Albert Cohen.
Rions des faiblesses de l’humanité, mais regardons bien dans le miroir : il y a du Père et de la Mère Ubu en nous, du meilleur et du pire, de l’ombre et de la lumière, du fort et du faible, du valet et du maître, du masculin et du féminin, du héros et du traître, du saint et du criminel. Ces personnages nous ressemblent : rions donc de bon cœur…et d’abord de nous-mêmes, rions à nous en faire péter la panse.
C’est dans ce contexte de dérision, d’autodérision et de férocité joyeuse que  les acteurs traversent leurs personnages (avec un s), car ici  l’habit fait le moine, autrement dit le costume fait vivre le personnage. Oui, chaque acteur peut se retrouver dans la peau du bon ou du méchant, du gagnant ou du perdant en fonction de l’humeur ou de l’histoire. C’est dire combien la dépense physique, l’énergie vitale, une sorte de voracité organique doivent pulser le rythme du spectacle.
J’emploie sciemment ici le mot spectacle car il contient cet esprit d’inventivité et de folie créatrice dans lesquels je souhaite plonger, quitte à transgresser (et avec entrain) les conventions théâtrales.
Regardons , nos acteurs entrent en scène… Les ububerlus déferlent : ils démolissent avec joie, dénoncent avec rage, mais pour mieux ré-enchanter le monde. Ils ont  retrouvé l’ingénuité, l’insolence et le pouvoir d’émerveillement de l’enfance, un peu comme Miró ou Picasso à la fin de leur vie.
Je pense aussi à Paul Klee et à Jean Rouch. Le premier pour ces  sculptures: petites figurines naïves aux couleurs vives réalisées avec des morceaux de bois, des bouts de ficelles et de chiffons, source d’inspiration certaine pour l’univers plastique. Le second en tant que cinéaste ethnographique et par rapport au jeu des comédiens. Je revois ce fascinant film documentaire tourné au Ghana Les maîtres fous (1954) sur les cultes des Haouka, de l’extrême engagement des participants et de la violence qui se dégageaient de ces danses de possession. Nos ububerlus doivent porter en eux ce rituel d’expiation, exutoire des malheurs du monde, de la cruauté de l’être humain et donc reflet de notre civilisation.
Décidément, le théâtre occidental a beaucoup à apprendre de ces rituels animistes ancestraux du continent africain.
En conclusion et en réaction à la logique rationnelle d’un Descartes et de son fameux: Je pense, donc je suis ,  cet Ubu roi là pourrait se placer sous le signe de la réflexion cabalistique suivante: Je lis, j’interprète, je critique, je m’oppose, j’écoute, j’écris, je questionne, je réponds, je cite, je ris, je raconte, je nomme, je discute, j’interpelle, je prie, j’apprends, j’enseigne, je vis,… donc je suis.
(Alain Timar)