Wallace Shawn

La fièvre


Salle studio


texte
Wallace Shawn
 
adaptation du texte
Simona Maïcanescu
 
interprétation
Simona Maïcanescu
 
lumières
Jean Poisson
 
costumier
Chatoon
 
son
Sophie Buisson
 
collaborateur artistique
Nelly Bonnafous, Anne Seiller
 
metteur en scène
Nelly Bonnafous, Anne Seiller

Date de la création: 04 décembre 2010
 
Wallace Shawn
27 novembre 2008, New-York
J’ai écrit Fièvre – entre 1985 et 1990 – dans un état d’esprit particulier qui me faisait croire à l’époque, que j’avais du pouvoir en tant qu’écrivain. Je n’y crois plus. Une des raisons pour laquelle j’ai perdu cette « foi » est, qu’au cours de la dernière décennie, mon gouvernement, celui des Etats-Unis d’Amérique, a « fièrement » pratiqué et défendu la torture. Pratique inspirée, dit-on, de celle utilisée par le gouvernement français pendant la guerre d’Algérie. J’ai pensé écrire quelque chose là-dessus et puis je me suis dit : « Mes amis n’ont pas
besoin qu’on leur explique que la torture est ignoble».
Fièvre parle de l’inégalité économique, de ce paysage choquant que l’on traverse tous chaque jour et que la majorité ne voit plus. J’en ai entrevu quelques images à l’époque – Dieu sait comment – qui ont balayé à jamais le point de vue heureux que j’avais sur moi-même et sur ma vie. Tout à coup je me détestais, je détestais les dîners avec mes amis. Je leur disais : « Regardez – il y a des arbres dans ce pré! Vous ne les voyez pas ? » Et mes amis répondaient : « Bien sûr qu’on les voit. Qu’est-ce que tu veux dire ? On les voit, on
les a toujours vus. Ils ne sont pas cachés.» Et moi : « Non, mais vous les VOYEZ vraiment ? » J’ai eu soudain la conviction que ce que je voyais ne pouvait se transmettre que par l’écriture. J’ai écrit ce monologue pour essayer de montrer vraiment à mes amis ce qu’ils croyaient déjà avoir vu. Fièvre est une tentative
« d’énoncer l’évidence » pour que l’évidence, tout à coup, saute aux yeux. La question se pose aujourd’hui de manière brûlante - beaucoup de gens pensent que tous les problèmes du monde sont dus aux différences de religion. L’injustice, particulièrement l’injustice économique, demeure la principale cause de rage que tout un chacun ressent. Au Brésil, les gens habillés d’un T-shirt à l’effigie de Ben Laden ne le portent pas parce qu’ils sont musulmans – ils NE SONT PAS musulmans. Ils sont juste enragés contre l’injustice économique. L’injustice est brutale – sidérante – elle est partout et elle n’est pas cachée : il est effrayant de constater que même les plus clairvoyants d’entre nous ne s’en aperçoivent que l’espace d’un instant.

Lars Norén
6 décembre 2008, Stockholm
FEBER/FIEVRE
Je suis contre l’idée préconçue que le théâtre doive légitimer son existence dans la société. Qu’il doive avoir une responsabilité sociale, une dimension humaniste pour justifier de ses actions. Le théâtre est important par le simple fait qu’il existe, de la même manière que la musique, la philosophie, la danse existent. S’il n’atteint pas la vérité, il se métamorphose jusqu’à ne plus être. Il cesse d’exister s’il n’accède pas à notre identité propre. Il nous enrichit en tant qu' individu. Il nous apprend plus sur nos devoirs que sur nos droits. On n’a pas besoin de lui donner un euro pour qu’il nous en rende trois. Il n’est pas aujourd’hui en crise. Il est toujours en crise. Même s’il semble marginal, abstrait ou puéril, il demeure une « église », un sanctuaire de vérité. La société et le théâtre sont toujours en crise, la même crise. Il n’y a jamais de répit, jamais de tranquillité. Malgré ou à cause de ce que je viens de dire, j’ai décidé de mettre en scène Fièvre de Wallace Shawn, non seulement parce que c’est un beau texte, majeur, terrifiant mais parce qu’il nous est indispensable. Il décrit la vie, ou plutôt la fuite de la vie. Notre vie à nous et celle des autres dans la société occidentale.
Ce que pour notre bien-être matériel nous sacrifions et détruisons. Il ne dit rien qu’on ne sache déjà mais il le dit avec une implacable rigueur. Quand j’ai lu Fièvre, quelque chose en moi a changé et j’ai eu envie de m’atteler à la création d’un spectacle qui puisse peut-être changer les gens – malgré eux. J’aurai beaucoup à apprendre en étant l’oeil et l’oreille de Simona – qui a rendu possible cette rencontre avec Fièvre.
Simona Maïcanescu
2 décembre 2008, Paris
Terminal 2F
Fièvre est un texte de Wallace Shawn que j’ai découvert à New-York.
Eté 2003/Hiver 2005 - la chance de travailler avec Lars Norén, et de faire un long voyage appelé “GUERRE” . Commencé en France, le voyage s’est poursuivi en Europe et au Canada. Automne 2006 - le temps d'un festival international de théâtre à Stockholm, aux côtés de Lars, mise en route d’un premier travail en anglais sur le texte américain. Printemps 2008 - retour dans mon pays natal: regarder, écouter, comprendre où il
en est de son Histoire après tant d'années de laminage communiste. Novembre dernier – New-York à nouveau : voir de près l’élection présidentielle, rencontrer Wallace Shawn pour parler enfin de son texte. Moments inoubliables. De retour à Paris, dans mes bagages : la nouvelle version de Fièvre. Tout compte fait, je suis une fille de l'Est qui voyage sans répit. Terminal 2 F … c'est là où j'embarque d'habitude. Je ne sais m'arrêter que sur une scène. C'est là où je me sens le plus "chez moi". Voyager sans cesse entre ces deux mondes : le pays qui est le mien, happé par la jungle capitaliste, les pays occidentaux qui questionnent leurs démocraties fatiguées. Plus je voyage, mieux je vois les décalages, les injustices, la violence du monde, la force de la vie. Pouvoir vous en parler... C'est ma FIEVRE.