Le Marchand de Venise est une comédie de la lutte entre Usure et Amitié, Vengeance et Pardon, Discordance et Harmonie, une lutte qui se dissout sereinement. (...) Conte, comédie sombre, morale ou commedia dell’arte ? La matière brute a été collectée dans l’inconscient de Shakespeare, c’est seulement le maître de la scène qui lie les situations de manière consciente. Cependant, le faiseur est en même temps poète, et la matière première enchantée reflète la plénitude de la vie, même lorsqu’il ne veut qu’on le prenne trop au sérieux.
László Cs. Szabó: Velencei uzsora, belmonti muzsika [Usure à la vénitienne, musique de Belmont]
Le spectacle se déroule dans le monde froid de la technologie moderne où, par opposition, les passions sont énormes. Des passions qui signifient d’abord narcissisme et égoïsme. En même temps, ces personnages sont également les prisonniers de certaines situations.
Ici, personne ne choisit de renoncer à tout ou de déclarer que l’argent ne l’intéresse pas. Tous agissent selon leur propre intérêt, tout est manipulé par un réseau complexe d’intérêts et d’alliances. Bien entendu, chacun des personnages a des émotions fortes, sincères, ils ont leur part du sexe, de l’amour, de l’érotisme. Mais ce ne sont pas les moteurs de leurs décisions. Les personnages ne croient que provisoirement dans la primauté de ces choses. L’égoïsme et l’intérêt propre interviennent dans toute décision qu’ils prennent. Si l’on réfléchit à cette idée, on pourrait créer un théâtre d’une cruauté terrible. Évidemment, avec des éléments propres à la comédie, des situations comiques, mais en substance une course avide, pleine de férocité, à l’« immortalité », à la survivance ou au bonheur.
Gábor Tompa