Bucarest (2010)
Date de la création: 22 septembre 2010
Spectacle dans la grande salle
Date de la création : 22 septembre 2010
Durée : 4 heures avec un entracte
Limite d'âge : 15 ans
La partie de William
en compagnie de
putains et prêtres
moines et meurtriers
larrons et légistes
Version scénique de Matthias Langhoff et Eszter Biró
Je tournais dans mon lit, mes jambes me faisaient mal et mes yeux ne voulaient pas se fermer. « Bonsoir, Matthias. » – « Bonsoir, Matthias. Par où es-tu rentré ? » – « Mais tu laisses la fenêtre toujours ouverte. » – « Ah, oui, et qu'est-ce que tu veux, Matthias ? » – « Rien... Juste te poser la question : comment ça va à Cluj ? » – « Ça va, mon lit est OK. Le parc en face du théâtre est agréable ; les gens avec qui je travaille sont aimables. » – « Ce n'est pas facile pour les gens. Sous le manteau des temps nouveaux prolifèrent les ennuis des temps passés. Le pouvoir est toujours l'autocratie. La justice défend l'injustice. La liberté acquise doit être payée par la docilité. L'amour, l'amitié, la confiance sont devenues de la marchandise. La vie est de plus en plus difficile, chacun doit trouver comment se débrouiller sans tomber dans le filet de la justice aveugle. Et la vérité, qui devrait être la pain de tous les jours du peuple, le pain riche et savoureuse, reste cru. Ceux qui ont faim peuvent se rassasier avec la morale, la foi et l'espoir. » – « Est-ce que tu parles de Cluj, Matthias ? » – « Non, je parle de Vienne ; je parle de Mesure pour mesure, de Shakespeare. » – « C'est vrai ? » – « Je crois que oui. » – « Veux-tu que je change Shakespeare ? » – « Mais non ! On n'a pas le droit de changer Shakespeare. Il n'est jamais périmé, mais il va toujours devant nous. Il faut juste le relire et pendant que l'on le lit, voir le lieu où l'on le lit. Bonne nuit, Matthias. » Il a disparu. Je me suis levé de mon lit et j'ai fermé la fenêtre. Je ne voulais pas laisser entrer d'autres pensées, ni laisser d'autres sortir dans la nuit cliquetante.
« Le réveil, Matthias ! » – J'ai tressailli. Il était devant la fenêtre fermée avec un sourire lumineux sur le visage. Il tambourinait sur la fenêtre et n'arrêtait de se moquer de moi. « Fiche-moi la paix, Matthias ! » je lui disais d'un air fâché. « Il faut que je ramasse mes pensées et que j'aille à la répétition. »– « Je sais, je sais ; je voulais juste te dire que c'est le matin et que Mesure pour mesure est une comédie. » – « Une comédie ? » – lui demandais-je en lui jetant un regard sombre. « Toi, tu ne sais rien, Matthias ! Tu ne sais rien ! »
(Matthias Langhoff)